Definition
L’anémie est la diminution du taux d’hémoglobine (Hb) en dessous des valeurs normales pour l’âge et le sexe de l’enfant, en dehors de toute situation d’hémodilution ou d’hémoconcentration.
Ethiopathogénie
La synthèse de l’hémoglobine fœtale (55% à 65% à la naissance) diminue progressivement pour être remplacée par l’hémoglobine adulte de type A vers le 6ème mois. Cela explique l’expression retardée de certaines hémoglobinopathies constitutionnelles.
On distingue:
-
Les anémies par trouble de la production:
La cause est centrale donnant une anémie arégénérative. Il s’agit soit d’un déficit en un des facteurs nécessaires à l’érythropoïèse notamment le fer (carence ou détournement), la vitamine B12, les folates, l’érythropoïétine, rarement les vitamines C et D (scorbut, rachitisme) et certaines hormones (thyroïdiennes et hypophysaire), Soit d’une hypoplasie de la lignée érythrocytaire. Les trois lignées peuvent être touchées en rapport avec un envahissement médullaire (leucémie, tumeur solide), une aplasie (virale, toxique, idiopathique), une myélodysplasie ou dysmyélopoïèse. La lignée rouge seule peut être touchée dans l’érythroblastopénie acquise (autoimmune, toxique, idiopathique) ou constitutionnelle (maladie de Blacfan Diamond), les thalassémies, dysérythropoïèse congénitale.
-
Les anémies par perte exagérée de sang:
La cause est périphérique donnant une anémie régénérative. Il s’agit soit d’une destruction exagérée ou hyperhémolyse Corpusculaire congénitale. Il peut s’agir d’une anomalie de la membrane du globule rouge (microspérocytose héréditaire, eliptocytose, etc), d’une anomalie enzymatique (déficit en G6PD, pyruvate kinase), d’une anomalie de l’hémoglobine (drépanocytose, thalassémie, porphyrie, autres hémoglobinoses) Ou Extracorpusculaire acquise, qui peut être immunologique (auto ou alloimmune), toxique, mécanique, infectieuse (paludisme, sepsis) Ou encore une hémorragie massive extériorisée ou chronique minime pouvant aboutir à une carence en fer.
Diagnostic positif
La découverte de l’anémie peut se faire devant des symptômes ou à l’occasion de la réaliser d’un hémogramme lors d’un bilan.
Signes cliniques
Il peut s’agir d’une baisse du rendement scolaire, une asthénie, une fatigabilité à l’effort ou dyspnée d’effort, palpitations, difficulté à la tétée chez le nourrisson.
- La pâleur cutanéo-muqueuse visible au niveau des paumes et plantes, lèvres conjonctives
- Tachycardie, une polypnée modérées
- Un souffle systolique fonctionnel maximal à l’apex
- Une hypotrophie ou cassure de la courbe pondérale (anémie chronique)
Signes de gravité
Il s’agit de la mauvaise tolérance de l’anémie, en général liée à sa vitesse d’installation. Les anémies chroniques carentielles ou inflammatoires sont en général bien tolérées. Les signes d’intolérance d’une anémie sont :
- Respiratoires : polypnée extrême sans signes de lutte au début, désaturation en air ambiant
- Cardiovasculaires : tachycardie extrême, un état de choc, une insuffisance cardiaque
- Des signes neurologiques : agitation, angoisse, hypotonie, refus de téter, torpeur, convulsion, coma. Il faut apprécier le terrain (jeune nourrisson, maladie cardiorespiratoire connue, immunodépression), l’existence d’une hémorragie, d’un purpura
Signes paracliniques
Biologie
La confirmation d’une anémie est biologique et se fait à la NFS. On parle d’anémie lorsque le taux d’Hb en g/dl est en dessous de 2DS par rapport à la moyenne pour l’âge de l’enfant.
- |
Nouveau-né |
3-6 mois |
6 - 24 mois |
2-6 ans |
6-12 ans |
12-18 ans filles |
12-18 garçons |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Hb moyenne en g/l |
16,5 |
11,5 |
12,5 |
12 |
13,5 |
14 |
14,5 |
-2 DS=anémie |
13,5 |
9,5 |
10,5 |
11,5 |
11,5 |
12 |
13 |
VGM fl |
90-120 |
72-80 |
75-85 |
78-88 |
80-90 |
90 |
88 |
Réticulocytes G/l |
200-400 |
40-80 |
40-80 |
40-80 |
40-80 |
40-80 |
40-80 |
Diagnostic étiologique
Nous allons brièvement parler de quelque étiologies fréquentes de l’anémie chez l’enfant sous nos cieux
Carence martiale
C’est la première cause d’anémie chez l’enfant (40% des nourrissons et enfants d’âge scolaire). Elle est due à une carence d’apport/majoration des besoins, un défaut d’absorption, à un excès de perte lors de saignements digestifs chroniques.
L’interrogatoire recherche un allaitement prolongé sans diversification, un régime pauvre en fer, une notion d’infections répétées surtout respiratoires, une notion de pica.
L’examen physique des signes d’atrophie muqueuse, une fragilité des phanères. Sur le plan paraclinique on observe un fer sérique abaissé, une ferritine sérique effondrée, une baisse du coefficient de saturation de la transferrine. Lorsque la ferritinémie est normale, il s’agit d’une anémie inflammatoire ou mixte (inflammation et carence associées). Les étiologies de la carence martiale sont :
- insuffisance d’apport : allaitement prolongé, régime pauvre en fer
- majoration des besoins : prématurité, hypotrophie, gémellité, maladie chronique
- défaut d’absorption : maladie cœliaque, autres diarrhée chronique
- saignements répétés occultes : oesophagite sur RGO, diverticule de Meckel, troubles de l’hémostase, prise d’aspirine ou d’AINS, infection à Hélicobacter pylori
Le traitement de la carence martiale repose sur l’administration du fer per os, à jeûn ou à distance des repas, fractionnée en 2 à 3 prises, à la posologie de 5 mg/kg/j pendant 3 mois. On y associe de la foldine à la posologie de 0,5 mg/kg/j pendant un mois. L’association à la vitamine C en améliore l’absorption. La crise réticulocytaire survient vers le 10ème jour après le début du traitement, l’hémoglobine se normalise en un mois. Le traitement est arrêté après normalisation de la ferritine. La prévention repose sur la supplémentation des gestantes en fer, des nourrissons dès 6 mois de vie tous les 6 mois jusqu’à 5 ans, la bonne conduite de la diversification, le dépistage des enfants à risque.
Le paludisme
Il s’agit d’une cause très fréquente d’anémie par lyse des globules rouges parasités. L’anémie s’observe aussi bien dans l’accès palustre que dans le palustre grave. Mais dans ce dernier cas, l’installation de l’anémie peut être très rapide expliquant son intolérance. Le diagnostic repose sur la goutte épaisse positive au Plasmodium falciparum, espèce la plus fréquente sous nos cieux. Le traitement repose sur les CTA en cas d’accès palustre, et sur l’artésunate IV en cas de paludisme grave. La prévention repose sur les mesures barrières (MILLD, grillages aux ouvertures, etc), assainissement du milieu de vie.
Les infections bactériennes sévères ou sepsis
Elles sont fréquentes, liées au manque d’hygiène et favorisées par un état de dénutrition modérée ou sévère sous-jacent. Tous les foyers peuvent être touchés. L’anémie est microcytaire en général bien tolérée. Le traitement repose sur celui de l’infection en cause.
La drépanocytose
C’est une maladie autosomique récessive, caractérisée par la présence d’une hémoglobine anormale S (anomalie de la chaîne bêta de l’Hb), qui se polymérise au sein du GR en situation désoxygénée. Les sujets homozygotes SS ou hétérozygotes SC présentent trois signes principaux : une anémie hémolytique chronique liée à la durée de vie raccourcie des GR anormaux, des phénomènes vaso-occlusifs, une susceptibilité aux infections surtout aux germes encapsulés du fait d’une asplénie fonctionnelle. Le diagnostic repose sur l’électrophorèse de l’hémoglobine. La prise en charge est symptomatique. La prévention passe par le dépistage systématique, l’éviction des facteurs favorisant les crises vaso-occlusives (efforts excessifs, le refroidissement ou la fièvre, le stress, etc), une bonne hydratation, une vaccination correcte PEV et hors PEV, une supplémentation quotidienne en acide folique 5mg/j, une antibioprophylaxie par la pénicilline V.
Les hémopathies notamment les leucémies
La plus fréquente chez l’enfant est la leucémie aiguë lymphoblastique. Elle est suspectée devant une atteinte des trois lignées avec une anémie arégénérative. L’interrogatoire doit rechercher une notion de saignement ou d’hématome, des infections répétées, des douleurs osseuses. Le diagnostic repose sur la réalisation du myélogramme. La prise en charge repose sur la chimiothérapie onéreuse sous nos cieux. Il faut savoir y penser afin d’éviter le retard au diagnostic.
Traitement
Curatif
Buts
Assurer la correction de l’anémie et traiter la cause
Moyens
Essentiellement médicamenteux. Ce sont :
- L’oxygène
- Les produits sanguins labiles tels le concentré de globules rouges, sang total
- Fer, acide folique
- CTA, artésunate IV, les antibiotiques
Indications
En cas d’anémie mal tolérée:
- Abord veineux de bon calibre
- Oxygénation même si la saturation en air ambiant est normale
- Prélèvements avant transfusion du groupage sanguin rhésus, de la NFS+P+R pour la recherche étiologique, de l’électrophorèse de l’hémoglobine, du G6PD
- Assurer une normovolémie en perfusant des solutés sérum physiologique, sérum glucosé +ions
- Remplissage vasculaire avec RL ou SS9‰ 20cc/kg en 15 à 20 minutes
- Transfusion de culot globulaire 10cc/kg en 1h30 -2h ou à défaut de sang total 20cc/kg en 1h 30 à 2h
- Surveillance de la transfusion (15ères minutes puis toutes les 30 minutes) : constantes, TA, éruptions cutanées, plaintes éventuelles, etc
- Remplissage de la fiche de surveillance
En cas d’anémie non décompensée:
Le traitement est celui de la cause (confère étiologies), parfois associée à la supplémentation en fer.
Prévention
La prévention de l’anémie chez l’enfant est essentiellement repose sur celle de la carence martiale détaillée plus haut, le dépistage des anomalies congénitales, et la prise en charge correcte des affections en cause.